Les mains négatives. Almanache d’une année type d’observation et de contemplation.
I. Saison chaude
Les mains négatives d’aujourd’hui sont les mêmes qu’autrefois. La chaude saison est une grotte où les parois appellent l’origine. Une vie sauvage; une vie sauvage accommodée par l’impression des cueillettes et l’inventaire des gestes. La chasse au trésor. Cette énigme de l’été qui revient sans cesse, mais ne se résout jamais. Garder les souvenirs fragiles, la lumière des feuilles, des fleurs, des épines et des autres. La chaleur imperturbable entre les serpents noirs et les tasses à café. Le rituel de l’été. Entre l’herbier et l’album de famille. C’est le même geste qui collecte et entretien ma nostalgie.
II. Saison froide
La lumière est basse, les graines dorment mais la nature danse quand même. C’est la saison où le soleil ne monte pas si haut et arrondit son arc. Dans le jour et dans la longue nuit, je ne vois pas toujours la lente métamorphose. Les cellules, les petites chambres, continuent leur idée. C’est la saison des nuances de gris, du froid, de l’eau qui lave la terre. C’est la belle saison des algues, des arbres dont les feuilles ne tombent pas – les vivaces, les persistants. Ces bras suspendus toujours à la lumière, toujours au soleil. Le rituel de l’hiver. Tout oscille. Je scrute les moindres plis, les plis du noir, les plis de vie. Parfois trop et j’en perds mes souvenirs. Je ferme les yeux et regarde s’agiter les petites taches familières qui scintillent dans le noir et dans le blanc. Persistantes. Ces corps flottants, ces petites masses gélatineuses qui se forment dans le fond de mon œil imparfait. Je me demande si certaines de mes cellules ont la même forme que les siennes. Ce petit corps qui joue aux fantômes.